Ces derniers temps, le diesel semble être devenu la cible de nombreuses critiques. Alors qu'il a longtemps été loué comme carburant moins polluant que l'essence, il est désormais considéré comme sale et se voit exclu des grandes villes. Décryptage.
Intéressons-nous d'abord aux chiffres : 52% des voitures parcourant l'Europe sont équipées de moteurs à essence. Seuls six pays sur le continent ont à l'inverse une majorité de véhicules roulant au diesel, parmi lesquels le Luxembourg, avec 65%, juste derrière la France, leader du gazole avec 70%. Pourtant, même au Grand-Duché, les ventes d'automobiles avec moteurs diesel sont en baisse depuis deux ans, à presque 54% en 2017, soit presque 17% de moins qu'en 2015. Cette baisse se fait au profit des moteurs électriques, qui a pratiquement doublé sur l'an 2017, mais aussi de l'essence, dont la présence sur les routes a augmenté de 20% depuis 2011.
Cette baisse n'est pas forcément révélatrice. En raison des incitants fiscaux, le nombre de motorisations au diesel était anormalement élevé. Ces dernières années, il avait amorcé un retour à la normale, se rapprochant doucement de celui des autres pays. Depuis 2015, plusieurs facteurs ont également joué un rôle. Il y a bien évidemment en premier lieu le dieselgate, scandale ne touchant que certains véhicules du groupe Volkswagen habilement baptisé par la marque afin de diffuser les effets négatifs. Déjà avant cela, l'OMS avait classé le diesel dans sa liste des produits cancérigènes en 2012. Ces moteurs ont également été jugés coupables d'émission d'oxydes d'azote et autres particules fines indésirables.
Ces derniers temps, notamment à cause de ces déchets rejetés, le diesel est sous le feu des discours politiques. Plusieurs villes ont déjà annoncé des mesures d'interdiction de circulation ou la mise en place d'un système de vignettes afin de rendre l'air des métropoles respirable et de préserver l'environnement. Cette "chasse au diesel" qui le diabolise s'intéresse en réalité aux moteurs âgés, mais cela n'est pas assez dit et pas assez connu de la population. D'autant que même les personnes bien renseignées craignent la perspective d'une revente difficile dans quelques années, ce qui refroidit certains acteurs et peut expliquer une petite partie de la baisse des ventes actuelles.
La volonté écologique qui préside à cette exclusion de certains espaces est également responsable de la baisse des parts de marché du diesel par un autre biais puisque là où il y avait auparavant un duel avec l'essence, cinq autres types de moteurs sont désormais commercialisés : électrique, plug-in hybride, hybride, au gaz naturel, et à l'hydrogène. A eux seuls, le nombre de véhicules électriques sur le territoire luxembourgeois a pratiquement doublé en 2017. Toutefois, les infrastructures nécessaires ne sont pas encore suffisamment déployées à l'heure actuelle et nécessitent des investissements conséquents s'ils veulent dépasser le cadre des zones urbaines.
Le diesel est donc loin d'être mort. Il reste une valeur sure, et pratiquement votre seul option possible, si vous parcourez chaque année de grandes distances. En plus de rester, pour l'instant, plus économique que l'essence dans ce cas précis, il est aussi moins nocif pour l'environnement. En effet, les moteurs ont drastiquement changé en dix ans, et les blocs produits aujourd'hui sont beaucoup plus propres que ceux que les politiques essayent de pousser vers la casse, ou tout du moins hors des grandes villes. Même les rejets d'oxydes d'azote ont été drastiquement réduits. Pas encore assez selon les engagements pris par l'UE et redistribués entre ses Etats-membres. Ceux-ci, dont le Grand-Duché, doivent désormais accélérer la prise de mesures concrètes et efficaces pour remplir leurs objectifs et éviter les sanctions.
C'est ce que le Luxembourg fait. Comme François Bausch, Ministre du développement durable, souhaite ne pas établir de système restrictif, c'est un incitant à être écologique, sous la forme d'un abattement fiscal en faveur des véhicules hybrides et électriques, qui a été privilégié. Pour lui, le moteur thermique, qu'il soit diesel ou essence, n'a pas d'avenir et va disparaitre bientôt. Il entrevoit de grandes transformations en peu de temps pour la mobilité et pense que l'ère de la voiture personnelle sera révolue dans quelques années. En plus du nouvel abattement fiscal, la politique de transports en commun propres mise en place depuis quelques années devrait permettre au pays de rentrer dans les objectifs. Le Ministre veut faire un bilan à la fin de l'année et n'exclut pas de prendre des mesures supplémentaires si cela s'avère nécessaire. Dans un premier temps, des bornes de recharge vont apparaitre un peu partout, pour atteindre 1.600 en 2019, de quoi recharger son véhicule électrique n'importe où et rapidement et amener la voiture électrique au-delà de la seule conduite urbaine.
Cependant, en admettant que le Ministre ait raison concernant les voitures personnelles, il faut savoir que les entreprises continuent de privilégier le diesel par une majorité écrasante. Si la baisse est amorcée, elle est plus lente et moins importante que pour les particuliers. De plus, elle concerne principalement les voitures de société destinées au personnel. Les véhicules utilitaires, dont le marché est encore en progression en Europe, consomment pratiquement tous du gazole. Ici aussi, les avantages fiscaux sont en partie responsables. Il est aussi évident que ces véhicules sont destinés à avaler de nombreux kilomètres de route chaque année. Alors que certains constructeurs établissent déjà des scénarios-catastrophe concernant les voitures au diesel pour 2025, le son de cloche n'est pas du tout le même en ce qui concerne les véhicules utilitaires, qui sont équipés presque systématiquement de motorisations diesel, ne laissant guère le choix aux acheteurs.
Il y a à ça plusieurs raisons. Tout d'abord, la plupart des véhicules de sociétés leur sont fournis via des contrats de leasing avec option d'achat. Ce qui signifie que malgré la décote des véhicules diesel, il n'y a pas de quoi s'inquiéter pour la revente, les conditions étant connues à la signature du contrat. En outre, même si l'évolution de la fiscalité va amener progressivement les carburants à égalité, le moteur au gazole gardera l'avantage de sa consommation plus faible, un argument de poids dans la rentabilisation d'un véhicule parcourant des dizaines de milliers de kilomètres chaque année.
Pour résumer, il semblerait que le diesel ait encore quelques belles années devant lui, tout du moins sur des véhicules neufs ou récents. L'horizon 2020-2025 envisagé par le ministre parait optimiste, a fortiori en considérant les entreprises, même si les particuliers pourront également en profiter encore quelques temps. A court terme, le débat entre diesel et essence se résout par une différenciation selon l'usage, le premier restant plus économique, plus écologique et n'ayant pas de réelle alternative en cas de grand nombre de kilomètres parcourus et de longs trajets. A plus long terme, l'opposition se fera exclusivement entre les carburants fossiles et les énergies alternatives écologiques.