La langue allemande a du bon avec la possibilité de former presque à souhait des mots composés. Alors, plutôt que d’utiliser l’expression française « le temps de réponse du turbocompresseur », nous avons de loin préféré l’expression allemande « das Turboloch » pour le titre de cet éditorial. Mais en fait, c’est quoi ce fameux Turboloch ?
Dans les moteurs à combustion, le turbo est utilisé pour accélérer l’alimentation en oxygène dans les cylindres, cela permet d’obtenir pour la même cylindrée plus de chevaux. Un turbocompresseur est une sorte de turbine qui envoie les gaz dans le moteur afin d’en augmenter substantiellement la puissance. Cette technologie est presqu’aussi ancienne que l’automobile. Par contre, elle a réellement vu son développement dans les années 70 avec le lancement de la méchante BMW 2002 Turbo (photo), de la Porsche 930 Turbo et de la Renault R5 Turbo. Sans oublier en Formule 1, la Renault RS01 avec son minuscule 1.5 litres suralimenté et plein de vitamines qui délivrait plus de 1000 chevaux pour les qualifs. Aujourd’hui tout ou presque est turbo-compressé.
Au volant de la Renault R5 Turbo…
A cette époque-là, les turbos étaient encore assez gros et avaient besoin de recevoir un flux de gaz conséquent pour pouvoir donner leur puissance additionnelle au moteur à essence. En appuyant sur la pédale de droite, tout d’abord rien ne se passait, creux de creux. Ou du moins comme sur un moteur normal, et ce n’est que tout à coup que le coup de pied au c… déboule, brutal de brutal. C’est cela le Turboloch, pas plus difficile à comprendre. Une sorte de Off-On, du démoniaque, de l’adrénaline pure.
Walter Röhrl, le pilote de rallye l’a fort bien décrit, lui qui était arrivé à dompter dans les années 80 la bête de rallye, l’Audi Quattro : «heute Gas geben, morgen losfahren… », en français cela donne «aujourd‘hui tu mets les gaz à fond et demain seulement tu démarres». Je me rappelle encore comme si c’était hier ma première expérience avec une de ces voitures turbo première génération. Un copain m’avait passé le volant de sa Renault R5 Turbo et il m’avait dit «fait gaffe, c’est brutal». Oui, la voiture était bien bodybuildée et son moteur prenait la place de la banquette arrière, mais un petit 1397 cm3 ne pouvait pas vraiment faire peur à l’époque, surtout qu’en ville elle était plutôt anémique, rien de plus qu’une R5 TS. C’est alors que sur les petites routes du Jura, j’ai pu expérimenter le fameux Turboloch…Tu mets les gaz à fond et tout d’abord rien ne se passe, et d’un coup dès que tu es dans les tours, c’est le tonnerre, tu es littéralement catapulté, les 160 chevaux de la bête viennent sans prévenir, c’est archi brutal. Tu dois anticiper un max au niveau conduite, car sinon tu arrives à fond au milieu du premier virage et c’est le tout droit garanti. Les rétrogradages sont aussi tout un art avec ce type de motorisation; demandez-le aux premiers propriétaires d’une 911 Turbo avec ses 260 chevaux de feu qui viennent ou plutôt sortent de l’arrière sans prévenir. Porsche a même dû revoir sa gestion du turbo tant les 930 sortaient quasiment toutes seules de la route. Et nous ne parlons pas de conduite sur sol mouillé, tout un art à cette époque et sans ABS, ni ESP bien entendu s’il vous plaît.
Les turbos en diesel…
Le turbo a eu ses heures de gloire au début des années 80 avec les moteurs diesels, Mercedes a été le premier constructeur à y croire vraiment avec sa 300 TD. Les autres ont emboité le pas et nous avions une première compacte sportive avec la Golf GTD qui délivrait 70 chevaux, une montagne pour un petit diesel à l’époque. La technologie s’est ensuite beaucoup améliorée, les turbos sont devenus plus petits et aussi plus performants. La puissance des diesels a atteint des sommets avec plus de 200 chevaux pour un 2 litres TDI avec en plus un couple astronomique et une consommation de chameau. BMW offre même un tri-turbo de 3 litres développant plus de 380 chevaux. Ainsi, adieu le Turboloch et le vrai coup de pied aux f….. Et la course à l’armement n’est pas encore terminée, l’on nous annonce un quadri-turbo. Et c’est peut-être Audi avec un mini turbo additionnel électrique et l’arrivée des batteries de 48 Volts qui va le plus loin aujourd’hui au niveau sophistication et agrément de conduite.
Les turbos se généralisent, alors adieu les atmo…
Les turbos se généralisant aujourd’hui même sur les moteurs à essence; CO2 et normes anti-pollution obligent. Pensons au très bon et performant Ford Ecoboost de 1.0 litre de cylindrée qui délivre 140 chevaux. Même BMW et sa mythique M3 est passé au turbo et cet automne, la Porsche 911 adopte aussi un bi-turbo sur les Carrera et Carrera S, et dans quelques mois sur les GTS; seule la GT3 gardera encore un moteur atmosphérique sur le flat 6, mais pour combien de temps encore!
Alors, nous nous mettons à rêver au soleil de Floride au volant d’une Corvette C7 avec un bon atmo de plus de 6 litres de cylindrée et au sound gutural certes un peu agricultural, comme sur une Harley. Dans les allées de South Beach, les ancienne AMG 63 font plaisir à entendre surtout avec si elles sont munies de «side pipes». Oui, de ce côté de l’Atlantique on est encore à vénérer les bons vieux moteurs atmo et l’adage «nothing like cubic inches » est bien vivant, surtout avec un prix de l’essence à 65 cents le litre. Merci à l’oncle Sam de nous laisser ce plaisir au volant d’une Vette ou de la nouvelle Mustang 5.0!
Pierre-Yves Augsburger