Ce jeudi 19 octobre, les professionnels et experts du Green Business se donnaient rendez-vous rue de Bitbourg à l'établissement Namur pour le Green Innovation Summit. A travers des conférences riches en enseignements, il a ainsi été possible d'explorer les enjeux actuels du développement durable, de découvrir les dernières innovations dans ce secteur, d'assister à la cérémonie des Luxembourg Green Business Awards, avant de poursuivre les échanges entre experts autour du traditionnel networking cocktail.
De l'économie linéaire à l'économie de performance
Les organisateurs avaient convié Walter R. Stahel, fondateur du Product-Life Institute, reconnu mondialement comme l'un des pères fondateurs de l'économie circulaire. L'architecte suisse a débuté son intervention en rappelant les définitions et différences entre développement durable et économie circulaire : "il s'agit d'un côté pile et face d'une même pièce. Le développement durable s'intéresse à la qualité, et l'économie circulaire à quantité. Le but de cette dernière est de converser et maximiser l'utilité et la valeur des composants et matériaux".
M. Stahel a par la suite listé les différences être les économies linéaires et circulaires, avant de présenter les opportunités business qu'offre son domaine de prédilection. "Saviez-vous que le retour sur investissement d'une usine de remanufacture est 5 fois supérieur à celui d'une usine qui reproduit ? Les business models qui permettent de conserver la propriété des biens permettent de réduire les coûts de transaction ainsi que la plupart des coûts de conformité" a ajouté le spécialiste de l'économie circulaire, qui a souligné le fait qu'il était nécessaire de partager les connaissances en la matière et d'éduquer les futures générations sur les bienfaits de l'économie qu'il promeut depuis les années 70.
Il a terminé sa présentation en définissant l'économie de performance, qu'il considère comme l'économie la plus efficiente et la plus compétitive. "C'est également la plus durable et la plus profitable. Les biens d'aujourd'hui sont les ressources de demain, avec les prix des ressources d'hier" a conclu Walter R. Stahel.
Vers un marché énergétique plus solidaire
C'est ensuite Paul Kauten, Managing Director chez Eida, un fournisseur d'électricité et de gaz neutre en carbone possédant 2200 points de fourniture au Luxembourg, qui a pris la parole. M. Kauten a d'abord établi le constat alarmant de l'écosystème nécessitant une transition énergétique urgente : "Nous n'avons qu'un seul monde, mais nous vivons comme si nous en avions cinquante". Tablant sur une réduction de l'impact de l'activité humaine sur l'environnement et un cahier des charges clair pour la transition énergétique axé sur les objectifs de la COP21, M. Kauten a dès lors développé son point de vue, celui d'un marché énergétique à l'avenir solidaire.
Ce nouveau marché solidaire sera basé sur la décentralisation des centrales de production et des réseaux électriques, de gaz et de chauffage pour mieux répondre aux besoins des consommateurs pour les différentes habitations. Une décentralisation des flux énergétiques qui amènera dès lors, selon M. Kauten, à une décentralisation des flux financiers pour créer une nouvelle plus-value.
Le rôle des acteurs sera également réformé selon lui, puisque le client final, par exemple, auto-consommera, produira et stockera son énergie, en injectera dans le réseau et gèrera ainsi sa propre consommation.
Tous ces changements dépeignent un nouveau tableau du marché énergétique comme le décrit Paul Kauten : "Cela nous amène à l'interdépendance énergétique et économique des différents acteurs, à la décentralisation et à la solidarité entre les individus sur ce nouveau marché. En tant que fournisseur, nous vendrons certes moins d'énergie, mais plus de services innovants qui vont épauler cette refonte du marché afin de créer une Silicon Valley de l'énergie".
Invitant les professionnels du Green Business à se mettre en mouvement avec Eida, M. Kauten a présenté les projets concrets réalisés par la société, à savoir trois maisons unifamiliales et trois résidences dont les travaux étaient achevés. Ces bâtiments serviront d'objet d'étude grâce au feedback du consommateur et sont basés sur un nouveau modèle économique, axé sur le confort et la réduction des frais à long terme, que promeut l'entreprise : ces maisons furent en effet vendues avec vingt ans de production énergétique compris dans le prix de vente.
Récompenser les projets écoresponsables
Laurent Magi, Head of Energy and Consultancy Services chez Enovos a par la suite présenté le programme mis en place par le fournisseur d'électricité et de gaz afin de récompenser les projets d'efficacité énergétique, le programme Enoprimes.
Ce programme fut mis en place dans un contexte gouvernemental aussi bien sur le plan continental que national et permet des subventions destinées aux travaux de rénovation dédiés à une optimisation de la consommation énergétique. M. Magi en explique les modalités : "Tous les projets ayant lieu au Grand-Duché sont éligibles en principe pour obtenir ce système d'aides Enoprimes que nous avons classé en 2 catégories séparant les projets standards des projets spécifiques, mais qui englobe tout ce qui concerne la réduction de la consommation d'énergie". Ces projets concernent d'ailleurs aussi bien le secteur secondaire, axé sur une amélioration des différents outils utiles à la production, que le secteur tertiaire avec une meilleure configuration des bâtiments de l'entreprise.
Ainsi, M. Hagi prône aussi bien un suivi continu à travers Enoprimes que des actions ponctuelles écoresponsables : "Nous visons des projets dans le but de l'accompagner et de déboucher vers un projet suivant plus efficace au sein de la même entreprise. Mais nous faisons également des actions plus ponctuelles, comme la distribution de packages d'ampoules LED gratuites pour les particuliers".
Le projet Enoprimes a également permis à Enovos de créer un réseau de partenaires jouant le rôle d'intermédiaires entre les entreprises désireuses de mener un projet subventionné et Enovos. A ce jour, ce réseau est composé de 290 partenaires. Résultat, depuis la création en 2015 de ce programme de subvention, 7 500 demandes de subventions ont été ouvertes, dont 3 500 ont été directement subventionnés, ce qui représente pour tous ces projets une économie d'énergie de 500 000 MWh.









Les investissements à l'heure de la responsabilité écologique
Tom Pfeiffer, Partner & CSR Leader chez Deloitte, est revenu quant à lui sur les investissements responsables. Au-delà du contexte étatique de la COP21, M. Pfeiffer estime que le secteur privé doit également entrer dans le jeu.
Les investissements écoresponsables vont, à la différence des investissements traditionnels, apporter une demande plus forte de transparence selon M. Pfeiffer : "Ainsi, la notion de reporting devient importante et doit apporter les informations nécessaires à l'investisseur. Des initiatives ont déjà été prises à ce sujet : par une directive européenne, on oblige les entreprises à donner leur impact sur l'environnement dans les rapports financier", explique-t-il.
Dès lors, l'investissement se dote d'un reporting intégré, où sont liées les informations financières et non financières dans le report. On parle également de "sandwich reporting" lorsque ces deux informations ne sont pas mises en corrélation.
M. Pfeiffer a, comme ses prédécesseurs lors de cette conférence, fait le constat d'une société en transition demandant plus de pérennité pour les générations à venir. L'éco-responsabilité selon lui permet la perspective de nouvelles opportunités dans l'industrie et le commerce et la création de nouveaux marchés. Selon lui, "le Luxembourg a les moyens de développer ce business en développant cette nouvelle mentalité liée au développement durable à travers l'éducation. Les sociétés privées liées au digital et aux technologies de l'information et de la communication ont leur rôle à jouer en proposant du e-learning et des virtual classes".
Aussi, le domaine de l'investissement responsable fait face à un défi lié au retour financier, qui est dit être moindre pour les investissements liés au développement durable. Selon Tom Pfeiffer, il faut changer les mentalités encore trop attachées à l'investissement traditionnel. Les entreprises doivent ainsi développer des stratégies de philanthropie pour créer un impact positif. L'impact investment, où l'investissement se concentre sur le capital, est également une notion à développer dans le business, tout comme le sustainable investment.
Accompagner et récompenser une logistique plus verte
Le dernier mot de cette session de conférences est revenu à MM. Malik Zeniti et Max Nilles, respectivement Cluster Manager chez Cluster for Logistics et Chargé de Direction Navigation Fluviale, Logistique et Taxis pour le Ministère du Développement Durable et des Infrastructures.
Tous deux sont revenus sur l'importance de repenser le secteur de la logistique via le programme Learn & Green, un programme créé initialement aux Pays-Bas en 2007 que Cluster for Logistics a développé aux Luxembourg auprès de sept partenaires institutionnels dans le but de fédérer les acteurs publics et privés afin d'améliorer le secteur de la logistique.
Max Nilles a fait le constat, graphique à l'appui, que le domaine des transports augmente ses émissions de CO² depuis 1990. Un enjeu à affronter selon lui : "Il faut essayer de respecter les objectifs mis en place par la COP21, qui demandent de réduire les émissions de 40% et d'augmenter l'efficience énergétique des sociétés de 40%".
Le but du programme Learn & Green, qui concerne les entreprises du transport et de la logistique, est de récompenser et de donner une reconnaissance publique, d'où la collaboration avec le ministère, aux entreprises appliquant un programme de réduction de production de CO² de 20% sur cinq ans. Six mois préalable sont nécessaires pour mettre en place un plan d'action réaliste, où collaborent les distributeurs, les fournisseurs et les industriels.
Un programme qui a motivé 450 entreprises à travers l'Europe à prendre le pas d'une logistique plus écoresponsable, notamment CargoLux, CFL Multimodal ou le groupe POST. La réduction des émissions passe par plusieurs scénarios comme l'agrandissement de la longueur des camions ou l'utilisation du train pour le transport logistique.
M. Zeniti a loué ce programme notamment en raison de la demande grandissante en terme de transparence, ajoutant également que "décider de suivre ce programme est intéressant pour être face à la réalité des chiffres de sa société".
Les participants ont par la suite pu assister à la cérémonie des Luxembourg Green Business Awards. Cinq prix ont été remis aux professionnels luxembourgeois, récompensant les meilleures initiatives et bonnes pratiques du secteur. La fin de soirée a permis aux professionnels de poursuivre leurs échanges à propos de l'impact du développement durable sur les modèles économiques et industriels lors du traditionnel networking cocktail.
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