Imaginez vous au volant de votre voiture, sur l'autoroute, en train de lire tranquillement le journal, éventuellement en buvant votre café. Ce n'est pas de la science-fiction, nous l'avons fait. Techniquement, la plupart des voitures récentes sont d'ailleurs déjà capables de "le" faire, c'est-à-dire de conduire à votre place. Enfin presque. Voiture communicante S'agissant de la Volvo dans laquelle nous avons pris place pour vivre cette expérience, il a suffi de la rendre "communicante" en la dotant d'un émetteur/récepteur WiFi pour qu'elle puisse intégrer un convoi. C'est-à-dire pour qu'elle soit capable de suivre à distance réduite un véhicule désigné comme pilote. Car, comme la plupart des voitures haut de gamme modernes, la récente Volvo V40 dispose déjà de tous les capteurs et actuateurs nécessaires, caméras et radars d'un côté, commandes électriques autonomes du moteur, de la transmission (automatique), de la direction et des freins de l'autre. Pas d'infrastructure requise Et la simplicité de ce système tient à ce qu'il ne nécessite pas d'adaptation de l'infrastructure routière existante, mais juste la création d'un service mettant en relation automobilistes et chauffeurs des camions habilités, via leur système de navigation. En fonction de votre destination, ce service se contente de vous proposer d'intégrer un convoi allant dans la même direction. Simple comme bonjour ! Et les avantages ne se limitent à vous dégager du temps libre pour lire ou rabrouer vos enfants assis sur la banquette arrière... en les regardant bien droit dans les yeux. Comme le nom du projet pour lequel ce prototype a été développé le laisse supposer - SARTRE pour SAfe Road TRains for the Environnement - se déplacer ainsi en convoi permet aussi d'améliorer la sécurité et de réduire la consommation. Un véritable traité de philosophie routière Concrètement, le convoi fonctionne comme un transport en commun. Le chauffeur du camion leader - appelons-le Jean-Paul... - est un professionnel spécifiquement formé à cette tâche comme celui ou celle (appelons-la Simone) d'un autocar. On peut donc accepter que, par principe, sa compétence soit supérieure à celle d'un automobiliste moyen, d'autant qu'il n'a pas intérêt à prendre sa tâche à la légère puisque c'est sa responsabilité qui est engagée sur le plan juridique. On est loin de L'être et le néant donc. Le camion utilisé doit en outre disposer de tous les derniers équipements de sécurité proposés sur le marché. À ce stade du projet Sartre, un convoi ne peut être constitué de plus de 4 véhicules : 1 camion et 3 voitures, ou 2 camions et 2 voitures. Consommation réduite Parce que les véhicules communiquent entre eux, les voitures suiveuses freinent automatiquement en même temps que le camion de tête lors d'un ralentissement. Cette simultanéité d'action permet de réduire sans danger la distance séparant les véhicules à 6 mètres contre les quelque 40 m qu'il serait raisonnable de laisser libres entre votre voiture et celle qui vous précède lorsque vous roulez à 85 km/h. L'effet d'aspiration aérodynamique provoqué par ce rapprochement permet de réduire la consommation d'environ 15 % en moyenne à cette vitesse. Mieux, le système est gagnant/gagnant, puisque, en réduisant les turbulences à l'arrière du camion de tête en le suivant d'aussi près, les voitures suiveuses permettent aussi à ce dernier de réduire sa consommation, d'environ 8 % si c'est une voiture qui suit le camion, 15 % si c'est un autre camion. Limites législatives Certes, tout n'est pas encore parfait même si la "philosophie" du projet doit tendre vers la perfection... Il faut notamment que progresse l'interface homme-machine pour que le conducteur soit conscient à tout moment de ce que la voiture attend de lui. Il faut notamment qu'un système surveille en temps réel son niveau de vigilance. D'abord pour s'assurer qu'il ne s'endort pas lorsqu'il est en convoi puisqu'il doit toujours rester prêt à réagir en cas de besoin. Mais aussi pour qu'il ne se croie pas en convoi lorsqu'il n'y est plus et que toute sa concentration est à nouveau requise pour la conduite. En fait, aujourd'hui, les limites à cette automatisation de la conduite sont plus législatives que techniques. Délégation de responsabilité L'interprétation de la convention de Vienne de 1968 qui régit la circulation routière en Europe stipule, par exemple, que c'est un être humain qui doit être responsable à tout moment de la maîtrise d'un véhicule routier. Aujourd'hui, certains pays européens interprètent cette convention de telle façon que cette responsabilité peut être déléguée d'un automobiliste à un chauffeur de camion, mais d'autres refusent encore cette possibilité. Il faudra bien pourtant que le texte change pour que l'automatisation de la conduite puisse continuer à progresser. Et, notamment, pour ouvrir la voie à une voiture dont la conduite serait complètement automatisée, comme celles développées par Google qui ont déjà parcouru plus de 480 000 km sans l'intervention d'un conducteur... mais à tout moment surveillées par un technicien installé au volant. Jean-Paul Sartre n'en était pas encore là quand il écrivait en 1945 son roman Les chemins de la liberté ! Sources : www.lepoint.fr