Saab a eu moins de chance que son compatriote Volvo : son rachat par le hollandais Spyker s’est transformé en une lente agonie. Le petit groupe néerlandais n’avait en effet guère de chances de redresser une marque qui fut fragile tout au long de son histoire.
C’est après la Seconde Guerre mondiale que l’avionneur Saab (pour Svenska Aeroplan Aktiebolaget) a décidé de se diversifier, en produisant sa première automobile. La 92, dessinée par Sixten Sason, se distinguait par son aérodynamique soignée, référence directe à l’activité aéronautique de la firme. Au fil des ans, le constructeur suédois a accumulé les modèles de caractère, à l’image de la 99 turbo ou encore de la 900, élevée au rang de mythe dans sa version cabriolet.
Derrière cette image flatteuse s’est toutefois caché un manque chronique de moyens financiers. Jamais la marque n’a conçu un moteur complet. Ainsi, Saab s’est d’abord fourni en moteurs chez DKW (trois-cylindres deux temps) puis chez Ford (V4), avant d’adopter le quatre-cylindres en ligne Triumph au lancement de la 99 en 1968. Un bloc qui servira de base de développement aux ingénieurs motoristes Saab pendant de nombreuses années puisque ses dérivés (notamment les turbos qui ont fait la renommée de la marque) ont perduré jusqu’en… 2009, date de l’arrêt de la première 9-5.
Il en est de même pour le développement de nouveaux modèles. Ainsi les 93 et 96 n’étaient que des évolutions de la 92. De même, au moment de concevoir son modèle le plus emblématique, la 900 lancée en 1978, Saab n’est pas parti d’une feuille blanche. Les ingénieurs se sont largement appuyés sur la 99 qui reste avec la 92 et la 9000 le seul modèle totalement inédit de la marque au griffon avant l’ère GM. Saab n’aurait par ailleurs jamais eu les ressources pour industrialiser la 9000 seul. Sans le Groupe Fiat, à l’origine du projet Tipo4 qui a découlé sur les Fiat Croma, Lancia Thema, Alfa Romeo 164 et Saab 9000, la grande berline suédoise n’aurait jamais vu le jour.
En 1989, General Motors acquiert 50 % de Saab Automobile, alors déficitaire, avant d’en prendre totalement contrôle dans les années suivantes. Le succès de la nouvelle 900, lancée en 1994 et basée sur une plateforme d’Opel Vectra, a redonné quelques couleurs aux comptes de la marque suédoise. Cela dit, GM n’a fait qu’empirer les mauvaises habitudes maison, faisant perdurer plus que de raison les modèles. Les carrières à rallonge se sont accumulées : neuf ans pour la 900/9-3, quatorze ans pour la 9-5. Quant à la 9-3 lancée en 2002, elle a dû se contenter de restylages : son remplacement n’était toujours pas annoncé à l’heure où General Motors a annoncé vouloir céder Saab en 2010.
Pire, le géant américain a savamment dilué l’image du Griffon, en introduisant deux modèles "bouche-trou" dans la gamme : la 9-2X (une Subaru Impreza rebadgée) et le 9-7X (une Chevrolet Trail Blazer recarrossé). Il faut dire que Saab n’avait pas eu besoin de GM pour ce genre d’idée saugrenue. En 1978, la Saab-Lancia 600 n’était autre qu’une Delta purement et simplement affublée d’un double logo.
L’espoir était pourtant revenu du côté de Trollhättan en 2010. Après moult rebondissements, Saab est finalement tombé entre les mains de Spyker, petit constructeur hollandais de voitures de sport dirigé par Victor Muller, ancien PDG de la marque de blousons McGregor. Modeste gabarit mais grandes ambitions, notamment grâce à deux modèles tout nouveaux légués par GM comme un cadeau d’adieu : la nouvelle 9-5 et le SUV 9-4X, modèle crucial pour le développement de la marque sur le territoire américain. Malheureusement, le nerf de la guerre manqua et ce qui aurait dû être une renaissance selon les rêves de Victor Muller s’est transformé en une succession d’arrêts de production pour cause de fournisseurs impayés.
Le salut aurait pu venir de Chine. Victor Muller s’est démené comme un beau diable pour trouver un partenaire aux reins suffisamment solides pour relancer la production à Trollhättan. Tout d’abord avec Hawtai, sans succès, puis avec le groupe de distribution Pang Da et le constructeur Youngman, partenaire de Lotus et proton dans l’Empire du Milieu. C’était malheureusement sans compter avec General Motors, qui a refusé de voir partir les brevets des nouvelles 9-5 et 9-4X sous pavillon Chinois.
C’en est donc fini des projets de compacte, d’une nouvelle 9-3 dessinée par Jason Castriota et d’un développement qui serait passé par une implantation sur un marché chinois en pleine croissance. La dernière Madeleine de Proust des Saabistes se dégustera tout de même dans ces contrées orientales : sous les regards des BAIC C60 et C71 se cachent respectivement les outillages des 9-3 et 9-5. Avec pour cette dernière une ultime itération du quatre-cylindres Triumph sous le capot.(automobile.challenges)