Avant de répondre à cette question, nous aimerions vous livrer quelques réflexions et plus particulièrement nous attarder sur le marché des faux dans le domaine des voitures anciennes. En effet, avec l’envolée générale des prix des « collectible assets », force est de constater que le marché que le marché des faux devient de plus en plus organisé. Et il n’est pas rare de voir certains marchands fermer les yeux sur ce phénomène, leurs marges étant importantes ! De plus, pour certains acteurs qui alimentent ce marché, l’investissement de départ est non négligeable et il faut bien entretenir le personnel qualifié qui a été engagé. Avec la médiatisation du secteur des oldtimers, nous assistons aussi à un nombre de plus en plus élevé d’acheteurs potentiels, pas toujours bien renseignés, ce qui facilite le jeu.
En parlant de faux, nous pourrions aussi mentionner les bouteilles de grands crus français qui sont vidés de leur contenu en perçant un trou au fond de la bouteille et ensuite remplie d’un bordeaux plus récent et moins prestigieux avant de repasser en vente sur internet. Les Rolex sont également très prisées des faussaires car souvent un détail insignifiant comme par exemple une couleur différente sur le cadran ou la forme des aiguilles multiplie le prix d’un facteur 2 à plus de 5. Dans le domaine de l’art moderne, il n’est pas rare non plus d’avoir en face de soi un faux. En effet, si l’œuvre est récente, il sera alors plus difficile de procéder à un datage précis comme cela pourrait être le cas avec de grands classiques, et certaines statues africaines sont tout simplement « refaites » en utilisant du bois ancien.
Répliques ou originales…
Revenons aux anciennes voitures. Tout d’abord, il est important de distinguer entre répliques et voitures originales. Il existe de belles répliques et à titre d’exemple mentionnons la Cobra ou la Porsche 550 plus connue sous le nom de « little bastard » que lui avait donné son conducteur mythique James Dean. Et nous en conviendrons, tout le monde n’a pas le porte-monnaie assez garni pour conduire le week-end une vrai Jaguar C Type. Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas contre les belles répliques, le tout étant de bien savoir ce que l’on achète et d’obtenir pour une voiture ancienne la vraie traçabilité. Là où le bât blesse, c’est lorsqu’il y a mensonge. Nous allons prendre quelques exemples afin d’illustrer ceci.
Quelques exemples…
En 2006, j’ai eu la possibilité de rendre visite dans la banlieue de Los Angeles à un collectionneur qui n’avait quasiment jamais montré sa collection. L’accès à ce collectionneur a été rendu possible par un ami qui écrivait un livre sur la marque espagnole Pegaso. Arrivé sur place, notre collectionneur, qui avait plus de 80 ans, me montre les deux Pegao en cours de restauration. C’est alors que je découvre au fond de l’atelier une Ferrari, cette voiture m’intrigue, elle a quelque chose de spécial. Je me renseigne et notre octogénaire me raconte son histoire. Il s’agit d’une Ferrari de compétition ayant été conduite par Phil Hill. Il l’avait achetée il y a très longtemps. De retour à Luxembourg, je montre les photos des deux Pegaso à Mario et lui relate la découverte de la Ferrari ex-Phil Hill. Un beau jour, Mario me rappelle et me demande si je suis certain de l’histoire de cette Ferrari. Je lui demande pourquoi. C’est alors qu’il me dit qu’elle a été vendue il y a quelques années. Impossible, je l’ai vue de mes propres yeux ! Comme elle avait disparu de la circulation (bien enfermée dans le garage de notre collectionneur californien), un petit malin avait profité de la situation et en avait reconstruite une à l’identique et avait même ressorti l’histoire de cette ex-Phil Hill. Il nous reste plus qu’à souhaiter que l’acheteur de l’époque ne lise pas cette histoire. Au fait, elle a certainement été revendue entre temps.
Nous ne pouvons que conseiller aux acheteurs d’une Porsche 2.7 RS de faire particulièrement attention avant de signer le chèque. La différence de prix entre ce modèle et une 911 « normale » étant particulièrement grande ! Lors de l’achat de votre prochaine « US muscle car », il est aussi important de vérifier à deux fois et mieux vaut s’entourer d’un expert reconnu et de préalablement s’assurer qu’il n’a pas de liens ou d’intérêts avec le vendeur. Demande le SAAC History si il s’agit d’une Mustang Shelby est indispensable. Nous aimerions aussi reprendre ce qui a été écrit sur Bloomberg en décembre 2013 : « In the 1930s, British sports-car maker MG exactly 33 of the K3 open-top race car. If you want to buy one now, there are more than 100 to choose from. No, the defunct carmaker didn’t restart production. The tripling of the K3 fleet is part of the booming trade in fake antique autos as soaring prices for classic cars spur sophisticated counterfeits, according to Bernhard Kaluza, vice president of international antique auto club FIVA.
Les Bugatti sont, elles non plus, pas exemptes de faux, certains artisans argentins sont passés maîtres dans la reconstruction de belles Bugatti. Par contre, si vous désirez un expert qui reconnaîtra très rapidement si une voiture d’Ettore est une vraie ou une fausse, il habite Luxembourg, son coup d’œil est sans faille.
Les ex-works…
Les voitures de course et de rallye d’usine avec pédigrée, en anglais les « ex-works », sont également une proie de choix pour les faussaires. Imaginez-vous une Mini Cooper S des années 60 qui se traite à des niveaux de prix compris entre 20 et 30 000£, alors qu’une vraie « ex-works » se négociera à bien plus de 125 000£. Je me rappellerai toujours d’un coup de fil que j’ai reçu lorsque je cherchais une Lancien Fulvia HF de compétition, on m’en proposait une avant qu’elle ne soit mise officiellement en vente par une grande « auction house ». Elle avait apparemment couru aux 12 Heures de Sebring. Renseignements pris auprès de mes connaissances en Italie, il s’est avéré que cette HF n’avait pas participé dans la configuration actuelle à cette course, elle avait été remontée. Par contre, le prix lui était celui d’une voiture avec palmarès. Que serait-il advenu de cette voiture si je l’avais achetée ? Probablement que je pourrais, en me basant sur la documentation qui m’avait été fournie à l’époque, la vendre au moins trois fois plus cher !
Comment éviter les faux…
Pour terminer, nous aimerions partager avec vous quelques recommandations qui devraient vous permettre d’éviter le piège du faux dans le domaine de la voiture ancienne. Tout d’abord, effectuer une recherche approfondie, vérifier le nombre de modèles produits, relever les numéros du bloc moteur, du châssis, les signes particulier du modèle en question. Il s’agit de la connaissance du pédigrée et aller voir dans les registres des constructeurs est une précaution souvent utile. Ensuite, il est nécessaire de prendre contact avec de réels experts (par exemple ceux agrées par le TÜV allemand) qui connaissent sur le bout des doigts le modèle de vos convoitises. Les clubs de marque sont aussi souvent une source précieuse de renseignements. Il peut être utilise d’aller rechercher d’anciennes photos, ainsi que de la documentation, prendre son temps. Internet sera également une source très utile pour ce type de recherches.
Nous allions presque oublier de répondre à la question initiale, celle de la corrélation. Oui, il y a apparemment une corrélation entre la flambée des prix des voitures anciennes (plus de 140% de hausse depuis 2010 et encore plus si l’on examine le prix des Ferrari ou Porsche) et le nombre de faux. Et selon Bonhams, le marché des ventes aux enchères représenterait plus d’un milliard de $ par année. Apparemment, il y a peu d’engouement pour dénoncer les faussaires, tout le monde voulant probablement profiter d’une configuration de marché très porteur ! Si vous êtes victime de contrefaçons, nous ne saurions trop vous encourager à contacter le Federal Bureau of Investigation ou en Europe la police criminelle. Vous le feriez sans hésiter dans le domaine financier, alors pourquoi pas dans le domaine de la voiture ancienne.
Pierre-Yves Augsburger