Pour les constructeurs européens, la proposition de la Commission européenne visant à créer une taxe carbone européenne met en péril leur industrie automobile. Ils appellent le Parlement et le Conseil européens à rejeter ce projet.

En avril dernier, la Commission européenne a présenté un projet de directive sur la taxation de l’énergie visant à créer pour 2013 une taxe carbone européenne fondée à la fois sur le contenu énergétique et les émissions de CO2 des carburants et des combustibles. L'objectif de cette nouvelle taxation est de mettre en rapport le volume de CO2 avec la quantité d’énergie que peut produire une source énergétique. Ainsi, le charbon qui produit beaucoup de CO2 par rapport à l’énergie qu’il produit sera beaucoup plus taxé qu’aujourd’hui, tout comme le Diesel. Pour les deux composantes de la taxe, la Commission propose d’imposer des taux minimaux, ce qui obligera les pays qui ont des droits d'accises faibles sur les carburants, comme le Luxembourg, à s'aligner. Les Etats, dont les droits d'accises seront supérieurs, pourront en revanche les maintenir et même les réduire.Concernant la première partie de la taxe, le taux d'imposition minimum pour l'énergie sera basé sur le contenu énergétique d'un combustible (€ / GJ) plutôt que sur le volume. "La composante énergie de l'impôt aidera à éliminer les distorsions actuelles de concurrence entre les sources d'énergie (comme c’est le cas entre l’essence et le Diesel) et rendra la fiscalité plus équitable pour les consommateurs parce que le contenu énergétique est plus importante que le volume", expliquait la Commission européenne. Le taux minimal sera fixé à 9,6 €/Gigajoule pour les carburants et à 0,15 €/Gigagoule pour les combustibles. La variable pour deux carburants présentant le même contenu énergétique sera générée par la seconde partie de la taxe, fondée elle sur les émissions de CO2. Ainsi, le Diesel pourrait être taxé de 8% de plus que l’essence.Baisse des ventes de véhicules DieselLe renchérissement du Diesel face à l'essence inquiète les constructeurs européens. Ayant misé sur le Diesel pour atteindre leurs objectifs de réduction d'émissions de CO2, ils craignent qu'une baisse d'attractivité de ces motorisations ne les empêche de réaliser leurs objectifs. Or, ceux qui n'y parviendront pas devront payer de lourdes pénalités. "Une voiture à moteur Diesel émet en moyenne 20 g de CO2 par km de moins qu’un modèle comparable à essence. Une fiscalité plus élevée renchérira le coût total du gazole et entraînera une baisse des ventes de voitures Diesel, avec pour résultat une augmentation des émissions de CO2", écrivent dans un communiqué commun les représentants des constructeurs français, allemands et italiens (CCFA, VDA et Anfia).Selon les projections réalisées par le CCFA, ce changement de fiscalité entraînera une baisse de 20 points de parts de marché des voitures Diesel neuves. "Cela conduirait à une augmentation de 4 g/km des émissions de CO2", estiment les constructeurs français. Selon les calculs du VDA, à structure de marché égale, la part du Diesel dans le total des ventes tomberait à 21% avec pour conséquence une augmentation des émissions moyennes de CO2 de 4,1 g/km. Perte de compétitivité Outre leur crainte pour la réalisation de leurs objectifs, ils redoutent également que ce projet n'affecte leur compétitivité. "Au cours des 15 dernières années, l’industrie automobile européenne s’est investie dans la recherche et le développement de moteurs Diesel propres et efficaces. Les constructeurs européens ont ainsi acquis un avantage sur le marché international qui se traduit par une part du marché mondial des moteurs Diesel européens de l’ordre de 75%. Une augmentation de la charge fiscale sur le gazole nuira donc beaucoup plus aux constructeurs européens qu’à leurs concurrents", défendent les associations.Pour les constructeurs, le taux minimum de la taxe sur le Diesel devrait donc continuer d'être inférieur, ou au moins pas supérieur, au taux minimum applicable à l’essence. Ils souhaitent également que les états membres puissent maintenir, tels quels, les taux qu’ils appliquent si ceux-ci sont supérieurs aux taux minima. Ils appellent par conséquent le Parlement et le Conseil européens à rejeter la proposition de la Commission en l'état. Lors de sa présentation en avril dernier, ce projet de directive avait déjà provoqué de vives réactions dans les rangs du Parlement. La députée européenne britannique, Jacqueline Foster, avait jugé cette proposition "totalement détachée de la réalité quotidienne des Européens pour qui l'essence et le Diesel ne peuvent pas atteindre des niveaux de coûts paralysants". Dans la foulée, le gouvernement britannique avait dit même envisager d’employer son véto pour empêcher sa mise en œuvre.