Le président de la République reproche aux marques françaises des excès dans la délocalisation, inéluctable cependant pour les Logan et autres Sandero. « Il faut faire attention parce que je suis les dossiers avec beaucoup d'intérêt », a rappelé hier le président de la République aux industriels français. photos: Automotion

Nicolas Sarkozy a profité hier de sa visite au Mondial de l'automobile pour passer un savon aux industriels français, auxquels il reproche un excès de délocalisation.

Le président de la République a visité le salon au deuxième jour des journées de la presse et avant l'ouverture au grand public, ce matin. À l'issue d'un parcours à travers les seuls stands français (Citroën, Peugeot, Renault, Michelin), et au milieu d'une indescriptible cohue, le chef de l'État a présidé une table ronde au cours de laquelle il s'est félicité du dispositif anticrise gouvernemental (primes à la casse, bonus-malus, prêts à la filière, taxe professionnelle, etc.), tout en tançant les industriels français pour la part trop importante de leurs fabrications à l'étranger. « Tout ce qu'on fait », a-t-il prévenu dans son style direct, « c'est pas simplement pour que vous créiez des usines à l'autre bout du monde […] Fabriquer à l'étranger pour vendre en France, non […] Il faut faire attention parce que je suis les dossiers avec beaucoup d'intérêt. »

Succès des petits prix

Philippe Varin (PSA), dont le groupe a annoncé la création d'une nouvelle usine en Chine, a répondu à cette philippique en faisant valoir que la moitié des collaborateurs de Peugeot-Citroën se trouvait en France, tandis que Carlos Ghosn, patron de Renault, soulignait la volonté de sa firme sur le marché national.

À titre d'exemple, même si les Logan et autres Sandero sont loin d'être les seuls véhicules du groupe à être produits à l'étranger, leur montée en puissance contribue à expliquer le phénomène stigmatisé par le président de la République, sans qu'on voie très bien cependant comment le groupe aurait pu faire pour produire ces véhicules dans l'Hexagone.

Lancés dans l'usine roumaine de Pitesti, où la main-d'œuvre est nettement moins chère qu'en France, les véhicules à bas coût du groupe, vendus pour partie sous la marque Dacia, visaient uniquement à l'origine les marchés d'Europe de l'Est, du pourtour méditerranéen et des pays émergents. Le succès a dépassé les espérances. Quelque 340 000 Dacia devraient sortir cette année de Pitesti et de l'usine de Casablanca. Mais il faut y ajouter les véhicules similaires produits sous la marque Renault à Moscou et Curitiba (Brésil), et ceux qui sont assemblés en Inde et - sous licence - en Iran.

La Sandero, numéro un

Mais, comme le rappelle Vincent Carré, directeur de l'entrée de gamme chez Renault, ces véhicules à petit prix ont également conquis l'Europe de l'Ouest, à laquelle ils n'étaient pas destinés au départ. Dacia détient déjà 3 % du marché en Allemagne, et près de 5 % dans l'Hexagone : la Sandero y est le véhicule le plus vendu aux particuliers depuis le début de l'année (hors flottes d'entreprise et d'administration), tandis qu'il faut patienter cinq à six mois pour le 4 × 4 Duster que la plupart des clients n'achètent pas dans sa version de base très minimaliste (12 000 euros), mais avec des options qui peuvent porter la note finale à 16 000 ou 17 000 euros, soit tout de même beaucoup moins cher que la concurrence.

Devant le succès de ces véhicules, dont une fraction est achetée par des ménages aisés, Renault a décidé de construire une nouvelle grande usine à Tanger. Car les coûts de production français ne lui permettraient pas de fabriquer ces voitures de façon rentable dans l'Hexagone. La rude loi du marché va donc profiter au consommateur, ainsi qu'à l'économie marocaine, mais malheureusement pas à l'emploi industriel de France. Il n'est pas sûr cependant que les diatribes présidentielles puissent à elles seules inverser cette logique.

(Photos: Automotion)