Nous avons voulu dans cet article remonter le temps des « gates », et cela aussi longtemps que notre mémoire s’en rappellerait. Tous ces « gates » ont apparemment un point commun: ils se sont passés de près ou de loin aux Etats-Unis d’Amérique ou du moins ont eu un « breach » avec la loi américaine. Oui, le « gate » est d’abord un mot anglais qui signifie la porte, la porte de sortie...mais pour qui? Et c’est aussi le nom de l’immeuble à Washington où tout à commencé!C’est aussi devenu une façon de faire prendre conscience au grand public d’un scandale. La presse est reine et maintenant c’est l’internet et ses dérives qui dictent le mouvement. On veut tout, tout de suite et surtout on cherche à tout prix un coupable qui peut payer, qui peut casquer et donner du blé à qui de droit… Il n’y aura probablement jamais de « gates » entre deux parties démunies. Alors regardons plus en détail comment cela est orchestré avec l’exemple récent du Volkswagengate.
Mais avant de parler de VW et des moteurs diesel, revenons en 1972, au temps de Nixon. Le scandale du Watergate est en fait une affaire d'espionnage politique qui aboutit, en 1974, à la démission de Richard Nixon. L'affaire aux multiples ramifications commence en 1972 avec l'arrestation, à l'intérieur de l'immeuble du Watergate, de cambrioleurs dans les locaux du Parti démocrate à Washington. Les investigations par des journalistes et une longue enquête du Sénat américain finiront par lever le voile sur des pratiques illégales de grande ampleur au sein même de l'administration présidentielle. Voilà pour la définition qui est reprise de Wikipédia.
Philip Morrisgate
Une autre affaire connue est le Philip Morrisgate qui a abouti à séparer l’activité tabac de celle du «food» pour cette grande multinationale. L’avocat texan qui a trouvé la solution pour sauvegarder au mieux les intérêts de la société, a travaillé avec de grandes équipes de nombreuses années pour finalement toucher plus d’un milliard de $ d’honoraires. A son décès, sa collection de plusieurs centaines d’oldtimers a même dû être splitée entre plusieurs maisons de vente aux enchères tellement elle était conséquente. Nous le voyons, les «gates» ont aussi du bon pour l’économie!
Bankgates…
Dans les «gates» majeurs, relevons aussi celui qui a secoué BP avec la pollution du Golf du Mexique. Et plus proche de nous celui ou plutôt ceux qui ont concerné les banques. Après avoir dû renflouer les bilans des banques en 2008, l’Amérique avait besoin de $ pour remplir ses caisses. Il fallait trouver des victimes, avec par exemple les banques suisses qui commençaient à devenir menaçantes au niveau mondial. Il suffisait de trouver la faille, il y en avait en fait deux: le secret bancaire suisse et le démarchage sur sol américain de clients US non déclarés. Ensuite l’armada de juristes s’est assurée que le bilan de l’UBS était plus gros que celui de la Confédération Helvétique, et tout est tombé tout seul. Dans le cas du BNP Paribasgate, là aussi, la banque française devenait trop grande et menaçait les banques US, il fallait la freiner. On trouvait qu’elle n’avait pas respecté l’embargo sur l’Iran au départ de sa filiale genevoise et la faille était au niveau des deals libellés en $. A part la presse continentale européenne, qui en passant devient insignifiante au niveau de son influence internationale, personne ne réclamait, il fallait simplement payer les milliards de dollars fixés par le «settlement». Ce qui assurément allait quelque peu freiner les ambitions mondiales du groupe français en plombant ses comptes. Cette opération permettait de donner un boni aux comptes américains et aussi permettre à la SEC d’investir dans la rénovation d’un immeuble et de son parc informatique pour un montant significatif. Aux Etats-Unis, ces chiffres sont publics. Big business, is big business. Nous pourrions aussi parler du Liborgate, c’est un peu moins intéressant, car dans ce cas, des banques américaines sont aussi concernées. Ne doit-on pas plutôt dans ce cas, y voir un juste retour d’une partie de l‘argent déboursé en 2008…
Volkswagengate…
Nous en arrivons au Volkswagengate. Ce n’est pas nouveau, tout le monde savait qu’il était quasiment impossible de satisfaire aux nouvelles normes édictées par les législateurs américains (qui en passant sont beaucoup plus sévères que les normes européennes) en terme non pas de CO2 mais de NOx (oxyde d’azote). Il a suffit que la très puissante EPA (l’Agence de l’environnement US) révèle les résultats de tests effectués non pas sur la base du cycle normalisé qui est en vigueur dans le domaine automobile, mais bien en situation réelle, sur route. Et là, les chiffres sortis étaient sans appel, le moteur diesel 2.0 TDI rejetait un multiple de NOx par rapport aux résultats des tests en environnement de laboratoire ou sur simulateur. VW était épinglée, il suffisait de leur faire avouer qu’ils avaient trichés et le tour était joué. VW payait pour son arrogance de No1 mondial au niveau des constructeurs automobiles, ce qui ne plaisait pas forcément à GM et Ford. Toyota en avait déjà fait les frais il y a quelques années, à peine passé No1 mondial en termes de chiffres de vente, qu’il était attaqué avec son système de freinage défaillant. Ce que l’histoire ne dira jamais c’est que selon certaines sources des personnes ont été payées aux USA pour simuler des accidents. Pour revenir à VW, il serait peut-être habile de placer la partie moteurs diesels dans une entité séparée afin que les «litigations» qui vont venir de tous bords n’atteignent pas l’entreprise dans son ensemble. Un «remake» de Philps Morris au niveau nouvelle construction juridique.
Avec VW, ce n’est pas tellement le chiffre de ventes sur le territoire US -un peu plus de 400'000 véhicules par an, alors que Subaru, un petit constructeur passera à 600'000 voitures immatriculées en 2015 aux Etats Unis- qui est visé, maisl’arrogance du Groupe VAG. Quand on fait une publicité qui présente la Golf comme «das Auto», cela fait peur. Nous pourrions aussi relever, mais là, nous entrons dans une sorte de théorie de la conspiration que F. Piëch, le PDG de VAG qui a été déchu par Winterkorn en ce début 2015, a quelque peu glissé la planche. On n’est pas membre de la famille Porsche pour se laisser faire. Maintenant que Winterkorn peut hiberner (jeux de mots) c’est un fidèle de Porsche M. Mueller qui reprendra les rênes de VAG. Tout rentre dans l’ordre… Peut-être, mais rien n’est certain avec les media qui se sont emparés de l’affaire et surtout on ne triche pas si l’on est présent aux USA, ou alors on ne se fait pas prendre….
Dieselgate…
La Suisse et de nombreux autres pays viennent d’interdire la vente des voitures diesel de VW équipées des fameux moteurs TDI de VAG. Et les instances gouvernementales et écologistes dans le monde entier s’empressent de décrier le diesel. C’est le Dieselgate.
Il sera violent au niveau des répercussions économiques et sur l’emploi, car il concerne avant tout les constructeurs européens qui ont misés sur ce mode de motorisation. Mais n’en faisons pas un plat, il n’y a pas eu mort d’homme, juste un peu trop de pollution et cela tout le monde le savait…Que dire des camions à 100% diesel, des autobus aussi du 100% diesel, des avions qui crachent pratiquement sans filtres le kérosène. Oui à terme, il faudra réduire fortement la présence du diesel sur nos routes et pas uniquement pour les conducteurs privés que nous sommes. Mais entre temps, nous devrons veiller à ce que les tests se fassent non plus uniquement sur un parcours simulé par un ordinateur mais bien sur la route, en condition réelle d’utilisation et sans triche . Dans les semaines à venir, nous apprendrons probablement que la plupart des constructeurs ont triché d’une manière ou d’une autre avec les résultats des tests, soit comme VW en installant un logiciel qui reconnait le cycle du test et réduit la puissance du moteur afin de satisfaire aux normes en matière de rejets, soit par l’utilisation d’autres subterfuges, plus sophistiqués les uns que les autres. Ils vont tomber les uns après les autres et les amendes vont pleuvoir. Bonjour les dégâts!
Mieux vaut être en ce moment avocat que constructeur automobile avec un parc important de modèles motorisés au diesel. L’Amérique deviendra certainement un peu plus raisonnable lorsque l’on apprendra qu’Opel (GM) et Ford EU ne respectent pas non plus les normes d’émissions, mais ces modèles ne sont pas exportés aux Etats-Unis. Alors les amendes seront nettement plus douces.
L’Europe va certainement aussi revenir à des motorisations essence et hybrides ou encore électriques, nos poumons diront merci. Et les sociétés vont revoir leur parc automobile, comment expliquer par exemple qu’à l’aéroport de Luxembourg, les bus fonctionnent encore au diesel…Par contre, il y a tout intérêt à que ce mouvement se fasse en douceur au risque de trop chambouler l’emploi et les investissements dans ce secteur hautement compétitif au niveau mondial. La Chine va aussi se mêler au débat, c’est un pays qui doit absolument faire des efforts en matière de pollution atmosphérique.
Nous en saurons plus dans quelques mois, entre temps, le mal est fait et le «Made in Germany» en a pris un sacré coup!
Article écrit le 2.10.2015.
Pierre-Yves Augsburger