Avec un nombre de frontaliers qui ne cesse d’augmenter au Luxembourg, la mobilité devrait rester l’une des priorités du gouvernement pour les années à venir. En effet, de plus en plus de véhicules sur les routes, des trains bondés, et une législation pas encore totalement adaptée au télétravail rendent les trajets toujours plus pénibles. La coopération entre les ministres luxembourgeois et leurs homologues belges, français et allemands est pourtant bien engagée et si les idées fusent, de véritables solutions peinent à être trouvées. Au grand dam des frontaliers.

« Good morning Mobiliteit ! »

Ils sont désormais plus de 160 000 à traverser la frontière luxembourgeoise chaque jour. Ils utilisent leur voiture personnelle, se déplacent avec leur véhicule de leasing, optent pour le covoiturage ou privilégient les transports publics : la congestion au Grand-Duché est bien réelle, comme le prouvent les premiers résultats de l’enquête Luxmobil lancée par François Bausch, Ministre du Développement

Durable et des Infrastructures. Celle-ci a été réalisée auprès de 40 000 ménages et 45 000 frontaliers et révèle le fort attachement à la voiture personnelle des luxembourgeois et frontaliers. Comme le souligne notamment le Ministre, « le taux de transport des élèves en voiture particulière, s’élevant à 39% du transport scolaire, constitue un véritable problème pour le trafic matinal auquel il faudrait remédier à la fois par un changement des mentalités, par une augmentation de l’offre du transport public, par la construction de pistes cyclables et pédestres et par un éventuel décalage des horaires scolaires afin que ces derniers n’incombent pas à la circulation aux heures de pointe ».

Comme le rappelle Jean Schiltz, membre du Ministère de l’Economie luxembourgeois rattaché à la Smart Mobility, la mobilité est un enjeu majeur au Luxembourg : ce nouvel écosystème est un des axes stratégiques prioritaires que le gouvernement cherche à développer. Première étape, la mise en circulation (sur un premier tronçon) du tramway de Luxembourg-Ville, accompagnée d’une réorganisation totale du réseau de transports en commun depuis le 10 décembre.

 

Quel futur pour la mobilité transfrontalière ?

Du côté de Thionville, la communauté d’agglomération met un sérieux coup d’accélérateur et vise à développer le télétravail avec la sortie de terre de son espace de coworking, baptisé S-Hub. Le projet, validé en avril 2017 a vu sa première pierre posée en octobre, le long de l’autoroute A31, entre Thionville et Yutz. L’idée est de proposer aux frontaliers une nouvelle façon de travailler – et surtout d’éviter le trafic grandissant sur le réseau franco-luxembourgeois. Mais de quelle manière ? A la fin de l’année 2018, date de livraison prévue du bâtiment, les frontaliers français pourront réserver un espace de travail pour la journée complète ou simplement pour une demi-journée. Dans un premier temps, ils se partageront un espace de 2 250m², sur 5 étages. Un moindre mal, car en 2018, le nombre de frontaliers français devrait dépasser la barre symbolique des 100 000.

 

Au Grand-Duché, les CFL investissent massivement dans l’amélioration de leurs services mais également dans la création de nouvelles alternatives de mobilité. Outre la mise en place de six nouveaux parkings relais, ou P+R, pour répondre aux difficultés de stationnement des frontaliers venant d’Allemagne, Belgique ou France, les CFL viennent de lancer prochainement Flex, une offre de carsharing. Le projet Flex prévoit d’implanter des voitures en conduite partagée à proximité de 20 gares au Luxembourg avec deux options de tarif : au kilomètre ou par abonnement mensuel. Les CFL ne délaissent cependant pas leur métier historique, le transport ferroviaire, avec un projet d’extension de la gare de Luxembourg. « Ceci augmentera considérablement les capacités du réseau ferroviaire et contribuera à sa stabilisation. Une nouvelle étape vers l’amélioration du transport public a été entamée aujourd’hui », a d’ailleurs précisé François Bausch en ce début d’année 2018. En effet, entre 2005 et 2015, le nombre de voyageurs a augmenté de 60% pour atteindre fin 2015 le seuil de 22,5 millions de personnes, la plupart convergeant en gare de Luxembourg.

L’élargissement de l’A31, son contournement, l’installation d’un péage : l’éternel débat reste bien évidemment au cœur des discussions lors des rencontres entre ministres français et luxembourgeois. Un rapport publié à la fin du mois de janvier par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI), en France, préconisait la mise en place d’une solution d’acquittement de péage sans arrêt à une barrière, dite « free flow ». Cependant, ce péage sans arrêt relève aujourd’hui du domaine de l’expérimentation bien qu’il repose sur des technologies largement maitrisées. Il s’agit, par l’intermédiaire de capteurs, d’identifier les véhicules en entrée et sortie des sections à péage (grâce à un boitier électronique embarqué ou à la lecture de la plaque d’immatriculation) pour débiter directement sur le compte de leurs propriétaires, qui auront dû s’enregistrer préalablement, le montant correspondant. Pas sûr que la solution avancée résonne auprès des frontaliers français…

Autre possibilité, la mise en place d’un monorail entre Thionville et Luxembourg-Ville, proposée il y a plusieurs années par Anne Gromersch, alors maire de la municipalité française. Une idée inspirée de plusieurs projets canadiens, avec une vitesse de 250km/h annoncée. Une idée alléchante et séduisante, si elle ne nécessitait pas la construction de nombreux viaducs au-dessus des infrastructures existantes…

 

De nouvelles solutions avancées par les experts du digital

Depuis maintenant plusieurs années, les entreprises technologiques et autres spécialistes du digital sont devenus des acteurs à part entière d’un secteur de la mobilité en pleine transformation. Parmi les plus connus, on retrouve Google, Microsoft ou encore Samsung. Ces sociétés proposent ainsi de nouveaux services alternatifs, tout en s’attelant au développement de la mobilité autonome. Face à la multiplication des nouveaux acteurs, apportant une véritable plus-value via leur maitrise de l’expérience client ou par le nombre de données qu’ils collectent et traitent, les acteurs traditionnels de l’industrie automobile au sens large sont dans l’obligation de se réinventer, signe d’un véritable changement de paradigme… et d’habitudes. « De plus en plus de personnes choisissent désormais l’usage d’un service plutôt que sa propriété, créant ainsi de nouveaux besoins. Nous le voyons à travers le succès des services d’économie collaborative et ‘on-demand’ tels que Airbnb, Netflix, Uber : on veut consommer facilement ce que nous souhaitons, quand et où nous le voulons. Le secteur de la mobilité n’est pas une exception. Il évolue et évoluera plus rapidement encore dans les prochaines années que lors des dernières décennies », précise Joel Fernandes, Country Manager de LeasePlan Luxembourg. « LeasePlan se positionne du côté de l’expérience client. Nous ne sommes ni une banque, ni un constructeur. Nous sommes un ‘pure player’ de la mobilité et intégrons depuis toujours les meilleures solutions au service de nos clients. Les évolutions technologiques s’accélèrent, les tendances et les mentalités changent, ‘What’s next’ devient notre quotidien ». Un regard clairement tourné vers l’avenir et le futur.

D’autres font le pari de s’associer à ces « disrupteurs ». ALD Automotive, après le lancement de plusieurs applications mobiles ainsi que de services de mobilité alternative, a annoncé en décembre dernier avoir noué un partenariat avec le géant du web Microsoft. Les deux experts dans leur domaine respectif ont l’ambition de créer une plateforme dédiée à la mobilité intelligente, rassemblant des solutions durables, digitales et intégrées. « Nous sommes fiers de nous associer à ALD pour accélérer leur stratégie de mobilité et débloquer de nouvelles expériences pour leurs utilisateurs. Je suis convaincu que cette collaboration, basée sur l’IA et la technologie Cloud, va créer de nouveaux standards pour la smart mobility », soulignait à cette occasion Laurent Curny, General Manager de la division Services chez Microsoft France. Pierre-Yves Meert, Innovation & Marketing Manager au sein d’ALD Automotive Luxembourg, résume quant à lui ce changement de paradigme de la meilleure des façons : « C’est en changeant notre mentalité que nous allons faciliter la mobilité de chacun ».

 

Alexandre Keilmann

Cet article a déjà fait l'objet d'une parution dans Urban BEAST #11 / www.beastmagazine.lu