Opel nous a ouvert les portes de son centre de Dudenhoffen, près de Francfort, pour présenter l'avancée de ses recherches en matière de véhicules à énergies alternatives. Nous avons pu essayer l'Ampera, l'HydroGen4 et le Meriva MeRegio qui s'appuie sur une utilisation « intelligente » du réseau électrique.

Francfort ' Chez Opel, on n'est pas du genre à faire des déclarations fracassantes sur les véhicules du futur. On ne fonce pas non plus tête baissée sur la première solution qui s'offre à un problème. La diversification des sources d'énergies pour ses véhicules est un sujet qui préoccupe la marque allemande depuis longtemps. Son usine de Rüsselsheim abrite d'ailleurs l'atelier OSV (Opel Special Vehicles) où sont préparés les modèles GPL et GNV (Gaz Naturel pour Véhicules). La prochaine étape est évidemment celle de l'électrique mais là encore, Opel ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. De toute façon, elle prévoit encore une très grande majorité de voitures à moteurs thermiques pour 2020, ce qui laisse un gros répit à sa filière GPL, l'un des plus importantes d'Europe. Trois projets électriques, à différents niveaux d'évolutions, sont donc étudiés et développés à Dudenhoffen : l'Ampera, le MeRegioMobil et l'HydroGen4.

Trois moteurs dans l'Ampera.

L'Ampera est la voiture électrique la plus connue et la plus aboutie d'Opel. Elle fonctionne avec un moteur électrique primaire, un convertisseur électromécanique (tantôt moteur secondaire tantôt générateur d'électricité) et un quatre cylindres essence de 86 chevaux utilisé comme prolongateur d'autonomie. Sur batteries seules, l'Ampera peut parcourir 40 à 80 km. Avec le prolongateur, elle atteint 500 km. Lorsque la batterie est chargée, elle alimente le moteur électrique principal de 150 chevaux. Au-delà d'une certaine vitesse, le moteur électrique secondaire se met en marche pour combler la perte de couple à haut régime du premier. Quand le niveau de charge de la batterie descend en-dessous d'un certain seuil, le moteur secondaire passe en mode générateur. Le moteur thermique démarre alors et le fait tourner pour recharger la batterie tandis que le moteur primaire continue de faire avancer la voiture. Si elle doit toujours rouler vite, un pignon dérive une partie de l'énergie mécanique du moteur thermique pour aider le moteur électrique primaire. L'Ampera passe de 0 à 100 km/h en environ 9 secondes et monte jusqu'à 161 km/h en vitesse de pointe.

4 modes de fonctionnement.

Même si les essais presse officiels auront lieu en juillet prochain, nous avons eu l'occasion de tester l'Ampera sur un petit parcours routier. Sa conduite ne diffère pas vraiment de celle d'une voiture « normale » dans des conditions d'utilisation quotidienne. En fait, hormis l'absence de bruit et de pot d'échappement, rien ne laisse penser qu'il s'agit d'un véhicule électrique. L'intérieur correspond à celui d'une berline quatre places bien finie avec un vrai coffre puisque les batteries sont logées dans le plancher. A la place du levier de vitesses, un sélecteur permet de choisir entre quatre modes. Le mode Normal est décrit plus haut et le mode Sport modifie la réponse de la pédale de l'accélérateur pour faire venir la puissance plus rapidement. Le mode Montagne permet d'avoir la puissance nécessaire pour gravir des côtes importantes en élevant le niveau de charge de la batterie. Le mode Maintien de charge force le démarrage du moteur thermique pour garder la batterie au maximum de sa charge. Il est utile pour rouler sur nationale par exemple, avant de repasser en Normal en arrivant en ville et profiter du moteur électrique le plus longtemps possible.

Des voitures sur le réseau.

Le MeRegioMobil n'est pas un véhicule à proprement parler mais un projet visant à trouver des nouveaux systèmes de recharge pour les voitures électriques. Il s'oriente notamment vers le raccord des batteries automobiles à un « réseau électrique intelligent ». En effet, à grande échelle, les voitures branchées la nuit sur le secteur représentent un formidable espace de stockage potentiel pour les pics de production électrique. Tant qu'elles ne sont pas en service, les batteries pourraient alors alternativement recevoir et fournir de l'électricité au réseau national grâce à une interface électronique en communication avec les fournisseurs d'énergie. En France, un projet similaire avait vu le jour l'an dernier à l'initiative de la Compagnie Nationale du Rhône. Cette filiale de GDF Suez avait mis en place le boitier Move in Pure qui, une fois implanté dans les véhicules électriques, adapte à distance leur recharge en fonction des disponibilités du réseau général.

Trois Meriva intelligents.

Le projet MeRegioMobil est placé sous la direction du fournisseur d'énergie allemand EnBW qui chapeaute un consortium de constructeurs automobiles, d'autres fournisseurs d'énergie et d'instituts de recherche. Dans le cadre de cette étude, Opel a fourni trois véhicules électriques basés sur le Meriva. Ils disposent d'une électronique de pilotage permettant la recharge intelligente sur le courant domestique 230 V ou le triphasé alternatif 400 V. Lorsqu'il branche sa voiture sur le réseau, l'utilisateur peut programmer à quelle heure il aura besoin d'une charge pleine et choisir éventuellement d'être approvisionné avec des sources d'énergie renouvelables comme le vent ou l'énergie solaire si elles sont disponibles. Les Meriva MeRegio ne sont donc pas prévus à la commercialisation. Ils servent uniquement de support au développement des systèmes électroniques qui veulent créer un réseau intelligent. Bien évidemment, il n'aura d'intérêt que si le nombre de véhicules électriques atteint un nombre suffisant...

Pas d'amélioration des batteries.

A côté de ces initiatives « à batteries », Opel poursuit ses développements dans le domaine des piles à combustible. Le plus dur est peut-être de jongler entre deux discours pour justifier l'utilisation de l'hydrogène sans attaquer les arguments de vente de l'Ampera. D'après Manfred Herrmann, ingénieur responsable des systèmes de stockage d'énergie électrique, « Il n'y aura aucune révolution dans le développement de la batterie au cours des cinq années à venir. ». Il prévoit donc que les inconvénients de poids et d'encombrements des batteries actuelles ne diminueront pas sensiblement dans le futur. La solution d'Opel tient dans la pile à combustible. Selon les calculs de la marque allemande, il faut 800 kg de batteries pour avoir une autonomie de 500 km mais seulement 125 kg d'hydrogène (réservoirs compris) pour parcourir la même distance.

Pas de CO2 mais du H2O.

Le représentant d'Opel dans ce domaine s'appelle l'HydroGen4. Il est basé sur un crossover compact cinq portes GM de série vendu aux Etats-Unis. Techniquement, il s'agit aussi d'un véhicule électrique. La différence avec l'Ampera vient de l'approvisionnement en électricité. Sur la berline, elle est stockée dans les batteries tandis que l'HydroGen4 la produit par réaction chimique dans la pile à combustible composée de 440 cellules. A travers la membrane électrolyte polymère, l'hydrogène (ou plus exactement le dihydrogène) subit une réaction d'oxydo-réduction avec l'oxygène (ou plus exactement le dioxygène) pour donner de l'eau. Le déplacement d'électrons qui a lieu au cours de la transformation produit le courant électrique qui alimente le moteur électrique de 100 ch. L'HydroGen4 possède toutefois une batterie tampon pour assumer les pics de consommation et assurer un freinage régénératif qui permet de récupérer de l'énergie à la décélération.

320 km d'autonomie.

L'HydroGen4 s'inscrit dans le cadre du Clean Energy Partnership, un programme subventionné par le ministère allemand du transport, de la construction et du développement urbain, avec la participation de constructeurs automobiles et de fournisseurs d'énergie. Dans le cadre de ce projet, quarante véhicules à piles à combustible (dont dix HydroGen4) sont prêtés à de grandes sociétés implantées à Berlin pour qu'elles s'en servent au quotidien et effectuent ainsi un test grandeur nature.

Nous avons pu prendre le volant d'un HydroGen4 pour effectuer un trajet en ville et sur une portion d'autoroute. Comme on pouvait s'y attendre, les sensations ne diffèrent pas d'une voiture « à batteries ». Pour un crossover de 4,80 m, le silence de fonctionnement est appréciable. Sur le moyen terme, son avantage est bien sûr son autonomie officielle de 320 km que nous n'avons cependant pas pu mettre à l'épreuve. Les trois réservoirs contiennent en tout 4,2 kg d'hydrogène sous pression à 700 bars. Un plein peut être fait en trois minutes.

Encore des progrès à faire...

Le point noir intrinsèque à l'HydroGen4 est sa masse à vide de deux tonnes, soit 300 à 500 kg de plus que des concurrents à moteurs thermiques dans la même catégorie. Il partage cet inconvénient avec les véhicules « à batteries » alors qu'il se vantait justement de gagner en poids grâce à sa technologie. Une prochaine évolution du bloc de transformation de l'hydrogène devrait permettre de gagner 130 kg, une première amélioration qui reste assez timide.

L'HydroGen4 ne sera pas commercialisé non plus. Il sert lui aussi à tester la pile à combustible dans des conditions réelles d'utilisation pour une implantation future sur des voitures de série. Seulement voilà, on ne sait pas à quoi correspond le mot « future ». Cela fait dix ans qu'Opel travaille sur la pile à combustible et l'hydrogène pour un coût de recherche et développement supérieur à un milliard de dollars.

... Et des questions à se poser

La pile à combustible partage un autre défaut majeur avec les batteries : le nombre de points de recharge. Que ce soient les bornes électriques ou les stations-services proposant de l'hydrogène, la mise en place d'un réseau à grande échelle n'est pas pour demain. On retombe donc dans le cercle vicieux de la poule et de l'oeuf. Opel, comme d'autres constructeurs, investit pour développer ce réseau mais les initiatives concernent surtout l'Allemagne.

Enfin, il reste le problème de la fourniture d'hydrogène pour l'industrie automobile. A l'heure actuelle, plus de 56 millions de tonnes sont produites dans le monde chaque année, principalement pour le raffinage et la fabrication d'engrais. Les moyens de production et de transport existent donc déjà. Opel propose par ailleurs de produire de l'hydrogène à partir d'eau, par une réaction inverse à celle qui a lieu dans la pile à combustible. Or l'eau est une ressource naturelle vitale à laquelle certaines régions de la planète ont difficilement accès. A l'instar du débat sur les plantations de céréales réservées à la fabrication d'éthanol pour l'automobile, il faudrait ajouter la question morale de la priorité d'utilisation des ressources mondiales.

(webcarcenter)