C’est une étape majeure que concessionnaires et fleet managers luxembourgeois doivent absolument prendre en considération. Il est question de véhicule connecté, de FinTech, mais aussi et surtout, d’expérience client. Car le conducteur, plus que le véhicule, est au centre de toutes les attentions, alors que nombre d’entreprises d’engouffrent chaque jour dans la brèche ouverte par Uber, Apple Paypal, Google mais aussi Auchan et Shell. 

Hier, Jaguar Land Rover a annoncé une nouvelle fonctionnalité permettant de payer son plein de carburant depuis l’écran tactile - la facture étant envoyée par email. Disponible pour le moment seulement au Royaume-Uni, le système pourrait arriver au Luxembourg, et s’étendre également au paiement des parkings, ou des drives - une incursion dans le monde retail.

 

Du côté retail justement, PSA avait déjà officialisé fin janvier son partenariat avec Auchan et Oney - une startup maison - permettant d’identifier le conducteur via sa plaque d’immatriculation et l’entrée d’un code sur le tableau de bord du véhicule. Déjà téléchargée plus de 60.000 fois, l’application revendique une utilisation de 75% des mobinautes et plus de 100 points de vente équipés. Auchan devrait prochainement accélérer la cadence, avec 2000 points de vente disponibles dont 5 au Luxembourg.

 

Il faut imaginer dès lors l’impact global pour le fleet : commerces, carburant, carrosserie, pneus, entretiens… mais aussi toute la relation fleet. Connecté, géolocalisé, doté d’un moyen de paiement, le conducteur pourrait également recevoir dans un futur (très proche) des offres spéciales au passage d’un concessionnaire, d’un loueur court-terme, d’un passager souhaitant partager votre offre de car-sharing, etc.

 

C’est dans cette optique d'évangélisation que Farvest et Automotion vous accompagneront encore cette année, et la présence d’Uber, TomTom, HERE ou Digicash sur ICT Spring le 9 mai cette année n’y est pas étrangère. Les enjeux de mobilité dépassent de loin l’électrique ou la voiture connectée. Il s’agit avant tout de comprendre que l’automobile aujourd’hui connaît la même transformation que la téléphonie mobile il y a 10 ans, avec le premier iPhone. Vendu depuis à un milliard d’exemplaires, il a tout simplement révolutionné l’expérience client, mais aussi la domination de la relation client, et du business qu’il génère. La voiture est donc en passe de devenir, sur le plan B2C comme B2B, un interlocuteur marketing, RH et financier décisif pour tout l’écosystème lié à la mobilité.

 

Reprenons l’exemple de Here. Lorsque Nokia acquiert l’entreprise en 2007, elle renforce son offre de cartographie, et donc de géolocalisation. Rebrandée dans la foulée HERE, elle est revendue quelques mois plus tard à un consortium de constructeurs automobiles allemands (Audi, BMW, Daimler) pour 2,8 milliards d’euros. Une bonne opération pour ces derniers, Navteq ayant couté le double à Nokia. Mais surtout, un asset stratégique en vue du véhicule connecté, puis autonome, deux objectifs impossibles à atteindre sans HERE. L’an dernier, Uber avait acquis Bingmaps (la division cartographie de Bing, le moteur de recherche de Microsoft) pour les mêmes raisons. 

 

ALD Automotive se mêle aux évènements automobiles traitant de disruption et incube des startups au Luxembourg pour cela également  : il ne s’agit pas  tant de générer du chiffre d’affaires à court terme que d’exister encore dans 5 ans. Pour cela, il faut embrasser le changement, côtoyer les disrupteurs (comme Uber lors de la Mobility Night) expérimenter de nouvelles voies, de nouveaux produits, gamifier son activité, des approches chères à Pierre-Yves Meert. Avec au centre comme toujours, l’expérience client. Ce client dont tout le monde semble s’arracher non plus uniquement le porte-monnaie, mais la relation. Dans ce secteur, les acteurs du leasing davantage occupés à rejouer le passé ont vu leurs équipes fondre ou leurs dirigeants remplacés.

 

Car l’automobile ne mettra pas dix ans à rattraper son retard, et connaître la même révolution que les smartphones. La tendance est plutôt de trois ans - à horizon 2020 donc. Il y a urgence, pour les concessionnaires comme pour les fleet managers, mais aussi tout l’écosystème, à se former à ces enjeux, à se mêler à ce nouveau monde, à incuber ses propres solutions, à tisser des alliances. C’est une question de simple résilience et le temps doit être pris en considération. 

 

Trois ans est perçu comme du moyen terme en fleet (dû à la durée des contrats et à la conservation moyenne des véhicules). Mais pour la nouvelle économie, le moyen terme c’est plutôt 18 mois, quand ce n’est pas moins. Et ce temps est utilisé avec une obsession du service client, de la relation client, et de la scalabilité des innovations liées. En clair : pendant que certains réfléchissent à une façon plus lucrative de traire des vaches, d’autres donnent naissance à des licornes.

 

A l’heure où le secteur n’a pas encore pris le virage digital, le travail semble considérable. Il n’est pas question ici de refaire son site web avec des belles images, qui est ni plus ni moins l’équivalent d’une visite chez le coiffeur, ou de changer l’entrée de son showroom : souvent de simples opérations cosmétiques dénuées de stratégie client. Mais d’une réelle, profonde remise en question sur la vision que l’on se donne, aux compétences dont on se dote, pour la relation que l’on veut créer. Une question très humaine donc, car en face - pour le moment du moins - le client l’est également. Et la liste des prétendants prêts à lui accorder de l’attention s’allonge de jour en jour.

 

Fabien Amoretti