Alors que l'Autofestival 2015 vient de débuter, contentieux et préjugés vont encore bon train. Soyons clairs : tous vendeurs privés comme professionnels d’automobiles neuves ou d’occasion doivent s’engager à livrer le bien sans défaut, à moins que le vendeur n’ait la présence d’esprit de préciser au contrat que « le véhicule est vendu en état et donc sans recours possible contre les vices cachés ».

 

Vous ne devez pas perdre de vue non plus que la loi, comme la jurisprudence, réservent la part belle aux particuliers.

 

Après l’échéance de la garantie contractuelle, la découverte d’un défaut après l’acquisition du véhicule peut tout de même engager la responsabilité du vendeur (article 1641 du Code civil). Pour que l’acheteur ait le choix entre la résolution de la vente (action rédhibitoire) ou la réduction du prix de vente (action estimatoire), il doit démontrer :

 

- que le vice était antérieur à la vente (1),

- que le défaut soit suffisamment grave pour rendre le véhicule impropre à l’usage auquel il est destiné ou diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis s’il l’avait connu (2)

- qu’il s’agit d’un vice occulte (3).

 

1. La condition de l’antériorité du vice :

Les juges présument l’antériorité du vice lorsque le défaut apparait très peu de temps après la vente et à condition que l’acheteur ait eu une utilisation normale du véhicule.

 

Cette présomption s’applique strictement. A titre d’exemple, la jurisprudence ne considère pas que le vice préexistait à la vente lorsque le défaut survient 6 mois plus tard et après avoir parcouru 7 300 km sans anicroche. Dans le même ordre d’idée si une anomalie apparaît dans la boîte de vitesse après 3 900 km parcourus, les juges estiment que le vice ne peut pas être antérieur à la vente.

 

Néanmoins, une présomption peut être contredite par une expertise ou toute autre preuve directe. Ainsi un expert pourra par exemple déterminer l’apparition dans le temps de tâches de corrosion que l’acheteur n’a pas pu déceler au moment de la vente.

 

2. La condition de la gravité du défaut :

Le principe demeure que le défaut doit être d’une gravité telle qu’il rend le véhicule impropre à l’usage auquel il est destiné.

 

Certes l’usage premier attaché à un véhicule est sa circulation sur la voie publique, mais les juges vont plus loin et recherchent dans le contrat le sens que les parties ont voulu donner à « l’usage » du véhicule.

 

Ainsi, l’acheteur d’une simple citadine n’entend pas forcément faire le même usage de son véhicule que le conducteur d’une voiture de collection ou de luxe.

A titre d’exemple, les juges ont considéré que l’apparition de turbulences d’air dans l’habitacle à l’ouverture d’une vitre ne constituait pas un vice grave rendant impropre l’usage d’une simple citadine.

 

Alors que l’appréciation du Tribunal aurait été autre s’il s’agissait d’un véhicule haut de gamme où les exigences de confort et de vitesse sont renforcées et doivent donc être garanties.

 

Même si l’exigence de l’absence d’un vice est valable pour la vente d’un véhicule d’occasion, les juges sont moins sévères dans leur appréciation.

Ainsi, une consommation excessive d’huile sera considéré comme un motif valable pour exiger la résolution de la vente d’un véhicule neuf, alors que le juge ne le permettra pas pour une automobile au kilométrage élevé.

 

Avant d’agir, l’acheteur d’un véhicule d’occasion doit distinguer ce qui relève de l’usure normal  (ex : usure d’un arbre à came sur une voiture de plus de 120 000 km, vibrations du plancher, etc…)des conséquences anormales et imprévues de la vétusté (ex : oxydation profonde du dessous de caisse, déformation d’un laugeron, panne moteur due à de graves détériorations du vilebrequin sur un véhicule affichant 28.426kms, vibrations excessives de l’habitacle, cassure du boulon de la tête de bielle, etc…).

 

3. La condition du vice non apparent au moment de la vente :

La bonne ou mauvaise foi du vendeur n’entre pas ici en ligne de compte. Le vice caché ne s’entend pas forcément comme un défaut sciemment dissimulé à l’acheteur.

Le contrôle technique ou encore l’essai du véhicule avant la vente doivent permettre d’écarter les vices apparents.

 

Le candidat à l’achat doit donc se montrer particulièrement vigilant en contrôlant le véhicule, car le juge qui devra apprécier le caractère occulte du vice se montrera particulièrement strict.

Il va sans dire que les Tribunaux se montrent plus cléments à l’égard des consommateurs, surtout lorsque le véhicule à été vendu par un professionnel.  Alors que l’acheteur professionnel est présumé connaître les défauts de l’automobile qu’il achète, notamment dans le cadre d’une opération de reprise.

Concrètement, les juges considèrent comme vices apparents :

- la défectuosité des joints de portes, la corrosion du plancher et du bas de caisse, les pneus ou la batterie usés, le démarreur ou les feux arrières ne fonctionnants pas correctement, les fuites d’huile avec ou sans voyant  d’huile allumé (etc…).

Alors que sont assimilés à des défauts cachés :

- volant moteur défectueux à 40 000 km et 3ans d’âge, turbo essoufflé à 40 000 km au compteur et après 500kms parcourus après la vente, boîte de vitesse automatique détériorée à 10 000 km au compteur.

 

Obs : La  Cour d’appel de Luxembourg a estimé que lorsque le vice ou la tromperie du vendeur sont censés être aisément décelables par l’acheteur, il ne pourra pas les invoquer contre le vendeur. Ainsi, lors du festival de l’automobile, un particulier a entrepris, en soirée, un contrôle sommaire d’un véhicule avant de l’acheter sans remarquer que le cadran kilométrique avait été maladroitement démonté. Les juges ont estimé que l’acheteur aurait du « facilement constater » que le compteur avait été démonté. Ainsi la Cour a décidé qu’il n’y avait ni vice caché ni tromperie, l’élément intentionnel faisant défaut (CSJ Lux 29.04.2008).

 

Une  fois ces trois conditions dûment justifiées, l’acheteur aura le choix entre la résolution du contrat de vente (rendre la voiture et se faire restituer le prix), ou garder le véhicule et se faire restituer une partie du prix telle qu’elle sera arbitrée par experts (article 1643 du Code civil). 

 

 

Maître Saliha DEKHAR

Avocat à la Cour du Barreau de Luxembourg